De la trace à l’apprentissage : Avec les doigts colorés de peinture, avec les crayons de cire, les feutres, les formes deviennent lettres. J’ai 5 ans, 6 ans, du stylo à tenir correctement se dessinent les mots, les découvrir, les déchiffrer, les reconnaître, savoir lire, écrire.
La magie opère, lire une histoire toute seule en suivant de l’index chacun des signes qui forment le récit. Lire les panneaux pendant les trajets en voiture, faire un gâteau en lisant la recette, ouvrir les portes grinçantes de la bibliothèque du salon, un éprouvé d’infini toujours à l’œuvre. Entrer dans une librairie et se laisser happer.
Et écrire. Evidemment, les dictées, les exercices du Bled, la poésie à apprendre et réciter. Heureusement, je crois, pas seulement. Une carte postale aux grands-parents pendant les vacances, une lettre pour remercier, « envoyer un petit mot ». Je découvre le plaisir de cette écriture adressée, chercher le mot juste pour raconter.
J’ai 7 ans, mon premier dictionnaire. Formidable voyage en quête du sens des mots.
De l’apprentissage à la validation de savoirs. Bien sûr les écrits scolaires, les contrôles, les rédactions puis les dissertations jusqu’aux mémoires jalonnent mon chemin. L’université me permet d’obtenir une maîtrise en Anthropologie, suit la formation professionnelle avec un D.E.E.S, je deviens éducatrice spécialisée.
De la validation de savoirs à l’outil de travail : Mon métier fait de rencontres, de liens, de paroles, de sens et d’écrits nombreux qui engagent, projets, bilans, rapports. Je travaille en foyer avec des adultes en situation de handicap, en service d’AEMO et AED, en MECS, en IME. Le plaisir des mots demeure alors que les mises en forme, les adresses varient. Chaque jour, le contact avec des enfants, des adolescents, des jeunes adultes en souffrance psychique, en désarroi face aux apprentissages, en besoin de soin et d’étayage nourrit ma créativité. Mettre en œuvre les conditions pour que l’Autre en souffrance, en fragilité, advienne. Je me saisis de ma passion pour l’écriture pour me former auprès de la SOFOR, puis d’ALEPH à Bordeaux, 4 ans de traversée pour mettre en place un atelier d’écriture à l’IME où je suis éducatrice, avant de devenir chef de service. Pendant 10 ans, j’anime cet atelier avec engagement et enthousiasme, chaque séance comme une première fois.
De l’outil de travail à la transmission : Depuis 12 ans, je suis aussi formatrice à l’IRTS Aquitaine, j’interviens autour de la notion de « quotidien », de « projet » ; de « médiation »; je participe aux épreuves de sélection. Mais surtout, j’accompagne les étudiants, futurs éducateurs spécialisés, dans l’élaboration et l’écriture de leur mémoire de fin d’études.
De la transmission à la création : Puisque ça insiste, l’écriture ! Puisque ça me parle, entre textes de l’intime et support professionnel, à 49 ans un carrefour à l’aube de ma prochaine décennie, je décide de devenir Animatrice d’atelier d’écriture en libéral et d’accompagner d’autres plumes en devenir.
Emmanuelle RUSSILLY-MOGA
Au porte plumes 